C'est l'histoire de Stockmann, un médecin dans les Thermes d'une petite station thermale. Il découvre que les eaux sont contaminées et veut révéler le scandale. Son frère, qui n'est autre que le
maire du village tente à tout prix de l'empêcher de faire éclater ce scandale qui obligerait la ville à débourser des millions en travaux d'assainissement.
Thomas Ostermeier propose une adaptation de la pièce "Un ennemi du peuple" de Henrik Ibsen programmée au Festival d'Avignon en 2012. Le spectacle est présenté en allemand surtitré en français à
l'Opéra-Théâtre d'Avignon.
La pièce s'ouvre sur l'appartement de Stockmann. Un appartement moderne. L'histoire est transposée de nos jours. Les murs sont noirs, des dessins blancs peints dessus, une table dressée où un ami
mange un plat de pâtes. Le frère de Stockmann l'attend. Ils discutent mais le médecin ne révèlera rien. Des amis sont chez lui, ils dînent et répètent deux morceaux de musique (un guitariste, une
percussioniste, un au micro et un au clavier). Dans la pièce la musique
Pour signaler que nous sommes passés au lendemain, un des comédiens dessine sur le mur une radio et écrit "Am nächsten Tag", le prochain jour en allemand. D'ailleurs, pour signifier l'après-midi,
il suffira d'ajouter "Mit" devant Tag et le tour est joué. Cette utilisation des murs en ardoise est très ingénieuse.
C'est au courrier que Stockmann obtient la confirmation de ces soupçons. Les premières réactions de son entourage sont des soutiens, de l'enthousiasme pour dénoncer le scandale. Mais au fur et à
mesure, leurs opinions virent de bord. La figure d'autorité que représente le maire et ses talents d'orateur les convainquent des dangers que le scandale aurait sur l'honneur de la ville. Ses
amis journalistes retournent leur veste assez facilement.
Dans la version d'Ibsen, les conséquences sont terribles pour le médecin qui perd sa clientèle et devient "l'ennemi du peuple". Dans la version d'Ostermeier, le médecin décide de s'exprimer
devant le peuple, en l'occurence devant les spectateurs de l'opéra. Le maire et le responsable éditoriale du journal descendent dans le public. Un vrai débat s'est ouvert avec les spectateurs ce
24 juillet. Une traductrice a rejoint le maire pour qu'il puisse comprendre les revendications des spectateurs d'Avignon. Il est arrivé que les comédiens allemands tentent de répondre en
français, mais cela ne leur était pas aisé. Le débat était à la fois sur le thème des eaux usées à décontaminer et sur les revendications d'un monde meilleur. On rêve d'un monde bio, sans
pollution, sans hyperconsommation, mais dans la vie, aucune action, aucune implication, aucune conséquence des beaux discours sur nos consommations. Le théâtre reprend son cours et Stockmann se
fait agresser par des billes de peinture. Son discours dénonçant des eaux usées dans les Thermes l'isole, lui fait perdre son boulot. Il envisage de partir mais un revirement survient. La pièce
permet de se poser beaucoup de questions sur les rapports à l'autorité, sur nos convictions et leur application au quotidien, sur l'impact de nos mots sur les autres...
Je ne jugerai pas le jeu des acteurs allemands, car j'étais tellement mal assise dans l'opéra que je n'ai pas vu tout le temps leur interprétation. La mise en scène est moderne, osée et réfléchie
(ce dont j'ai parfois douté, mais tout s'explique).
C'est une pièce qui va marquer les bobos et les biobios, qui va déplaire aux consommacteurs effrénés. Pour ma part, je trouve cela important que le discours sur la décroissance ne reste pas
utopiste. on se pose beaucoup de questions sur la part d'adaptation de Ostermeier vis-à-vis du texte du XIXème de Ibsen. En tout cas, je trouve que c'est un spectacle à conseiller.